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Hervé THIERRY Maître artisan TAXIDERMISTE
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Récit de chasse : Double Double

Hervé Thierry - Taxidermiste Double Double, prononcez Dobel Dobel, c'est le surnom dont m'ont affublé, mes copains et les guides en RSA.

Nous chassions mes amis et moi sur les concessions de GERRIE SAFARI dans la province du Limpopo.
Très vastes territoires, très difficiles à pratiquer, aux biotopes variés avec une multitude d'espèces gibiers.
Nous étions en approche d'un groupe de zèbres, six ou sept animaux, sans bébé, peut-être un gros mâle. Nous sommes à bon vent à 100 mètres, ils sont tous dans les buissons et pas de couloir de tir. Nous nous approchons par la droite. Mouvement, un individu se dégage, petit et d'une drôle de couleur il me présente son arrière-train, sûrement une jeune femelle. Il est dans la croix depuis cinq minutes, en attendant que ça bouge je dégouline de partout (30° à 9H du matin, en ce mois d'avril), la veille au soir j'ai loupé un gros mâle en mouvement, je stresse… On décale encore, un autre animal sort des buissons et du groupe, je pense à une femelle, nous sommes repérés. Dégagée, elle est prête à partir et nous a vus, de profil, le cul à un mètre du groupe. Feu vert de Janis mon guide, je tire. Je pense être derrière l'épaule, c'est bon, mais je suis sûr que c'est une femelle, ce qui chagrine mon éthique. Félicitations de mes deux compères, ils sont sûrs du résultat. BRAVO.
Elle a fui sur 100 mètres, en laissant une ligne rouge... transpercée.
Magnifique animal, émotion, congratulations, photos, Janis part chercher le véhicule.
Coup de sifflet du guide, il vient de trouver du sang, un autre animal est sûrement blessé. Un travail de recherche en pistant commence. Le talent de Lucas, le pisteur, est impressionnant, rapide et sans bruit, les deux sont confiants. Au bout d'une heure, nous ne les avons pas relevé, le blessé reste avec la bande qui se mélange souvent à des gnous, nous ne savons toujours pas quelle genre de blessure cela peut-il être, ni où, et il n'y a plus de sang. Il faut rentrer au risque de voir le premier zèbre s'altérer, je sais de quoi je parle, je suis taxidermiste.
Hervé Thierry - Taxidermiste Nous y retournons, après le repas, avec mon ami Serge, son guide et son pisteur.
Nouveaux et anciens, ont l'air de penser que le groupe s'est séparé, et a rejoint une bande de gnous. Après plusieurs heures de dures recherches, c'est Jack le guide de mon ami, qui le relève, et abrège ses souffrances. Il lui aura fallu 1/2 seconde lors de la fuite, pour remarquer du sang noir coagulé sur la patte arrière et faire feu. Sans faire de grabuge lui... .
C'est la drôle de petite femelle du départ, la balle du premier zèbre a expansé à sa sortie, en dégageant trois shrapnels dans la fesse de sa voisine, qui en serait morte, avec la chaleur. Ce zèbre, très bizarre, on le croirait croisé avec un Hartmann.
Deux zèbres avec une seule balle, je n'en suis pas fier, même si nous n'avons commis aucune erreur, ça ne m'était jamais arrivé, il faut que je sois à l'autre bout du monde pour le vivre. La 375, n'a rien à voir avec ma 7/64 habituelle. Merci à tous et à Jack.

Hervé Thierry - Taxidermiste A force de voir des traces de potamochères autour du camp, nous avons Guene le vosgien et moi, demandé à Gerrie, le propriétaire du camp, de nous organiser une chasse. Les potas sont très méfiants et ne sortent que la nuit. Il faut donc les appâter et les habituer à une lumière rouge. Il en vient, comme l'atteste les caméras nocturnes. L'heure se situe vers 21h00, une seconde vague vers minuit.
Nous y allons le jour J, vers 19h00. Janis me confie une carabine à lunette dite de nuit.
Nous arrivons sur le site, noyé de rouge et d'odeur de charogne à seulement 500 mètres du camp.
Je suis là, sans lampe, les mains dans les poches au milieu des épines et des rochers à attendre un animal que je connais mal, avec les bruits de la nuit et une carabine sur les genoux.
J'arrive à voir la charogne dans ma lunette, c'est bon, plus qu'à jouer les statues... .
Des bruits de branches cassées, de grognements sortent de la nuit et de la puanteur, le guide que je distingue, regarde au même endroit que moi, à droite des lumières. Nous y voilà Raboliot, loin des fusils à pistons et des lampes à carbure, là on parle de LEDS, de caméras, de lunettes, de carabines. Mais je crois que ce fameux braco et moi, avons ressenti les mêmes sensations... .
Hervé Thierry - Taxidermiste Pas de panique, quatre bêtes sont sous la lampe d'après Janis, dont un gros mâle... .
Je n'ai rien vu, rien entendu, mais j'épaule et alors la stupéfaction, que du blanc dans la lunette, genre écran de TV sans programme. Je balaie le terrain, touche à tous les réglages, essuie la lunette, je mets et démets mes lunettes de vue et l'interrupteur, rien y fait, le brouillard le plus complet !
Janis me chuchote des trucs auxquels je ne comprends rien, je lui prends ses jumelles et lui refile mon engin. Il les voit aussi avec la carabine, moi je n'ai pas plus de chance avec ses jumelles… On reprend notre matos réciproque. JE NE VOIS RIEN !!!
Ils sont restés un bon quart d'heure et la nuit les a repris, plus de son plus d'image.
La Bèrèzina, pour nous la retraite s'effectue vers 22h00... .
Guene et son guide y vont à leur tour, pour tirer un spécimen dans la seconde bande, mais lui, prend sa carabine, il est allé appâter plusieurs fois et connaît le terrain.
Ils sont venus aussi, devant l'affût, tout près, trop près, impossible d'épauler. Retour vers 1h00.
J'y retourne le lendemain, sans vraiment y croire, je n'ai rien vu la première fois, pourquoi ça changerait? Le ciel a l'air plus clair, je prends ma carabine, lunette 1,5-6/42 et une lampe. Janis allume les LEDS, on dirait qu'elles éclairent mieux, il bouge un crâne au sommet des charognes, l'odeur est pestilentielle.
Beaucoup d'animaux viennent là: ratels, chacals, hyènes, phacos, etc. il y a des os partout.
Je peux voir l'affût et son environnement grâce à ma lampe, j'y pénètre, j'épaule. SURPRISE
Je vois super bien le crâne à tous les grossissements. Je stabilise à 2/5, une souris pourrait venir, que je lui friserais les moustaches… Je suis très optimiste, je n'ai jamais vu de pota, et la situation est incroyable. Ça bouge, c'est blanc, une ratel, le TGV de la nuit, il faut qu'elle parte, tous les animaux en ont peur. Je l'ai vu en premier, pas peu fier le mec, St Hubert est avec moi... .
Hervé Thierry - Taxidermiste Janis réagit, un pota! J'épaule un tonneau blanc, je le compare au crâne, c'est bien un sanglier.
Difficile d'évaluer taille et sexe, la ratel est dans le coin, il est plein travers, Janis me touche le genou, c'est le signal, je tire. Comme chez nous, ça couine, débandade, Janis bondit en disant O.K, se retrouve au pied du cochon avec sa carabine. Moi je me lève, désarme, sort ma pile pour me rendre près de l'animal qui bouge toujours. Je suis surpris de sa taille, je voyais ça plus gros... . J'éclaire Janis, il est à quatre pattes au milieu des fourrés et des ossements, bruits de fuites et de grognements dans plusieurs directions, il éclaire un endroit précis dans les buissons, il est à moitié couché. Je crois l'entendre dire : dobel... . Je l'interpelle, il me montre une grosse tache de sang, entre lui et moi, nous sommes à 20 mètres du cadavre. Pas de doute, rebelote…
Le voilà parti sur le blessé, j'ai l'impression d'un fauve en chasse... . Ils sont fous tous ces guides, ils ont vraiment la chasse dans la peau jusqu'au bout des ongles.
André, le guide de Guene est allé jusqu'à entrer, sous terre, dans le noir, sur plusieurs mètres, dans un terrier de phaco, pour l'achever au revolver et le sortir... no comment... .
Hervé Thierry - Taxidermiste Quelque chose se déplace vers moi, je recharge et j'épaule avec la lampe, c'est quoi? Le blessé, un autre pota, la ratel, autre chose? Coup de carabine de Janis, nouvelle débandade, je préfère retourner sur la place éclairée, près du mort qui n'est plus là. Je trouve du sang, j'éclaire et cherche, je suis à bonne école depuis huit jours. Deuxième balle de notre fauve, il l'avait loupé. Gros bruit devant moi, je fonce comme je peux mais sans peur, c'est moi qui tiens le FLINGUE... . C'est mon pota sur les fesses, j'épaule avec la lampe, coup de grâce.
Quatre balles sur cette action nocturne, Janis a ramené un jeune, une balle pour les deux, il se trouvait derrière sa mère, nous n'avions rien vu. Suite au premier tir, la moitié du camp s'est déplacée pour voir le résultat, et s'est crue pris dans une guerre de tranchées, ça pétait de partout, sauve qui peut. La paix rétablie, les photos faites, place aux skinners, nous partons demain à l'aube.

Dobel-Dobel, tu vas bien payer quelques verres... .